Ridley Scott : Robin des Bois Begins

Le mythe de Robin des Bois a été abondamment traité, et il existe un bon paquet de films sur le sujet (le dernier en date étant Prince des Voleurs en 1991 avec Kevin Costner). Que raconter de plus et qu’est-ce qui a pu intéresser Ridley Scott dans ce projet ?

Le réalisateur a tenté plusieurs parti pris audacieux, qui tranchent avec les précédentes productions. Tout d’abord, son Robin est inscrit dans un cadre social et historique détaillé, de manière à présenter un Moyen-Age plus âpre et plus réaliste que ce que l’on voit généralement dans les films de cape et d’épée. Son Robin n’est pas le fringant justicier présenté naguère, mais plutôt un vétéran de guerre et un soudard qui n’est plus de première jeunesse. Même Lady Marianne a subi cette transformation, devenant une veuve de guerre et une maîtresse femme, qui a peu à voir avec une mijaurée qui se pâme devant un tournoi.

Robin Longstride et Lady Marianne : on est loin de l’imagerie habituelle

Autre changement radical : Ridley Scott ne s’intéresse pas à la sempiternelle lutte entre le hors la loi et le shérif de Nottingham mais plutôt à ce qui se passait avant. Qu’est-ce qui pousse un homme à devenir le chef d’une bande de hors la lois et à voler les riches pour donner aux pauvres ? D’où vient Robin des Bois ? Comme s’est constituée son gang de « Joyeux compagnons » ? Une nouvelle approche du mythe, qui n’est pas sans évoquer un certain Batman Begins dans l’approche…

Le tout est porté par un casting impeccable, avec Russel Crowe en Robin et Cate Galadriel Blanchett en Lady Marianne. Les vétérans William Hurt et Max von Sydow campent également des personnages inoubliables, de même que Oscar Isaac qui fait un excellent Roi Jean.

Sur le plan de la reconstitution historique, on ne peut que rester pantois et bouche bée devant la réalisation de Ridley Scott, qui montre une nouvelle fois qu’il peut nous plonger dans une époque lointaine et nous immerger complètement dans la vie quotidienne de nos ancêtres, tout en montrant des images d’une authenticité et d’une beauté troublante (les reconstitutions des villes anglaises au XIIIe siècles sont assez incroyables).

Londres au XIIIe siècle : une reconstitution incroyable

Au niveau de l’histoire, si le début du film et la mise en scène du siège du château de Chalus sont impressionnants de précision et de maîtrise, la suite s’enlise dans la monotonie, lorsque Robin est de retour en Angleterre et envisage de couler des jours paisibles aux côtés de Lady Marianne (on le comprend en même temps). L’histoire a d’ailleurs à ce moment-là un petit air du Retour de Martin Guerre, y compris dans la façon de filmer les gens simples de la campagne.  Le souffle épique reprend à la fin du film, lorsque Robin et le Roi Jean s’associent pour repousser une invasion française, et encore… il s’agit d’un bataille qui est bien vite expédiée.

Il ne s’agit donc pas d’un grand film épique comme l’excellent Kingdom of Heaven, mais plus d’un mélange de comédie dramatique et de film historique, avec des éléments de film social. On peut reprocher aussi à Ridley Scott plusieurs approximations historiques. Comme dans Kingdom of Heaven, le réalisateur veut nous montrer l’esprit d’une époque plutôt que la réalité historique (de toutes manières, on n’est pas sûr que Robin des Bois ait jamais existé).

Le film confond Philippe le Bel et Philippe Auguste (scandaleux !) et le sacre du Roi Jean est expédié en cinq minutes. On oublie que le prétendant au trône était Arthur de Bretagne, neveu de Jean, malheureusement âgé d’une douzaine d’années à l’époque. S’il est vrai que le roi de France essayait de récupérer les possessions de Jean, jamais il n’a tenté de débarquer en Angleterre; la guerre se tenait plutôt en Normandie, où le roi d’Angleterre avait des domaines.

le Prince Jean et sa nouvelle conquête, Isabelle de France

Le débarquement des Français dans Robin des Bois, qui n’est pas sans évoquer le débarquement des alliés dans Le soldat Ryan, est d’ailleurs un grand moment de n’importe quoi où les affreux Français se font massacrer comme des andouilles. Dans le genre délire scénaristique, la façon dont Robin a la révélation d’un idéal démocrate, et la manière dont il est devient tout à coup un meneur d’hommes, conseiller du Roi Jean, est quelque tirée par les cheveux, à croire que ce sont différents scénaristes qui se sont chargé du début et de la fin du film.

Robin part en guerre pour bouter les Français hors d’Angleterre

Ce qui est sûr, c’est que ces scénaristes n’aiment pas les Français, présentés tour à tour comme sournois, goinfres, stupides, barbares et totalement incompétents au combat. Enfin bon, c’est la règle du jeu que les Méchants du film soient les plus odieux et les plus repoussants possible.

Ceci dit, ce n’est pas la peine de bouder son plaisir, Robin des Bois est un bon film, très bien joué et très bien réalisé, et j’espère qu’un director’s cut viendra en atténuer les défauts. Décidément Ridley Scott est en très grande forme depuis quelques années, et j’espère bien qu’il va réaliser le nouveau film Alien, comme la rumeur le prétend…

Résumé
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Robin des Bois
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3 réponses

  1. Loïc dit :

    Bravo pour l’analyse du film que je partage complètement ! Reste à voir si l’on aura pas droit à un Robin des bois bis qui cette fois reprendrait le classique combat entre Robin et le Shérif.

  1. 25 mai 2010

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  2. 25 mai 2010

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